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Cinquième
République
Le danger qui nous guette dans ce 21ème siècle est que des
sujets deviennent tabous à force de censure et d’autocensure
par peur de représailles politiques, sociales et juridiques. Dans
ce cas, la société accepte cette censure non pas par conviction
mais plutôt par lâcheté matérialiste au nom
d’un soit disant bien être illusoire. La censure a toujours
existé, même si la censure contemporaine se réclame
d’autres justifications, parce que toutes les sociétés,
quelles que soient leur forme, sont basées sur des "idéaux"
et rejettent tout ce qu’elles pensent être gênant pour
leur existence.
De Gaulle,
premier président de la Ve république :
En décembre
1958, le général de Gaulle est élu président
de la Vème république.
Il interdit l’exposition "en quelque lieu que ce soit"
et la publicité "sous quelque forme que ce soit" des
écrits présentant un danger pour la jeunesse en raison,
par exemple, de leur caractère pornographique. Il prévoit
la saisie par les officiers de police judiciaire des écrits incriminés
"avant toute poursuite". Dans son ouvrage intitulé Nouveaux
visages de la censure, l’écrivain français Jean-Jacques
Pauvert désignera cette censure comme "l’arme la plus
perfectionnée jamais fabriquée dans le genre". Jamais
pareille atteinte à la liberté de penser et d’écrire
n’a été réalisé avec plus d’impudeur.
Il n’était certes pas interdit de vendre ces écrits
mais ces derniers n’avaient, en quelque sorte plus aucune existence
publique. Aussi, cette loi accordait elle des pouvoirs de censeurs au
ministre de l’intérieur. La commission chargée de
la surveillance et du contrôle des publications destinées
à l’enfance et à l’adolescence avait qualité
pour signaler les publications qui lui paraissaient justifier ces interdictions.
Et ces publications étaient désignées par arrêtés,
publiés au Journal officiel.
La censure
en France aujourd'hui :
La législation
sur la presse et la communication, avec pour modèle la loi de 1881
(voir Annexe), s’est trouvée
complétée par divers articles de loi sanctionnant :
- la diffamation raciale ;
- la provocation "à
la discrimination, à la haine ou à la violence à
l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes
en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance
à une ethnie, une nation ou une religion déterminée";
- l'apologie des crimes de guerres ;
- la négation des crimes contre l'humanité.
D'autre part, en France, de nouveaux motifs de censure apparaissent tel
que "l'incitation" au suicide et à la consommation de
drogues.
L'autocensure
:
La crainte d'un procès
ruineux peut jouer le rôle d'incitation à l'autocensure.
A moins, au contraire, que la perspective d'un bon procès bien
médiatisé, qui pourra être gagné grâce
à de bons avocats, puisse aider la promotion. Tout dépend
de la solidité financière du journaliste, et de la façon
dont il peut envisager de retourner l'opinion publique contre le censeur.
Reporters
sans frontières :
Il s'agit d' une
association, fondée en 1985 par Robert Ménard, qui défend
les journalistes emprisonnés et la liberté de la presse
dans le monde, c'est à dire le droit d'informer et d'être
informé, conformément à la déclaration universelle
des droits de l'homme.
Reporters sans frontières, est une association reconnue d'utilité
publique. Alors que plus d'un tiers de la population mondiale vit dans
un pays où il n'existe aucune liberté de la presse, Reporters
sans frontières oeuvre au quotidien pour que l'information reprenne
ses droits. Parce qu'emprisonner ou tuer un journaliste, c'est éliminer
un témoin essentiel et menacer le droit de chacun à l'information,
Reporters sans frontières mène son combat depuis plus de
17 ans. L’association dénonce les violations de la liberté
de la presse dans le monde en informant les médias et l'opinion
publique par des communiqués de presse et des campagnes de sensibilisation.
Elle défend également les journalistes, collaborateurs et
professionnels des médias emprisonnés ou persécutés
pour leur activité professionnelle. Elle dénonce les mauvais
traitements et la torture qui sont encore des pratiques courantes dans
de nombreux État. Reporters sans frontières lutte pour faire
reculer la censure et combat les lois visant à restreindre la liberté
de la presse. L'association agit également pour améliorer
la sécurité des journalistes, notamment dans les zones de
conflit. Elle s'engage à soutenir financièrement et matériellement
les rédactions mises en difficulté. Enfin, Reporters sans
frontières s'est dotée, en janvier 2002, d'un bras judiciaire
en créant le réseau Damoclès.
Quelques exemples de censure en France d’après le rapport
de RSF :
"- Le 24 juin 2001, Véronique Lopez, journaliste à
Politis, est interpellée par les forces de police au Salon international
de l'aérotique et de l'espace du Bourget (Seine-Saint-Denis), alors
qu'elle couvre une manifestation du collectif "vente d'armes, basta!".
Elle est placée pendant quatre heures en garde à vue au
même titre que les dix manifestants interpellés au même
moment. Les policiers procèdent à une prise d'empreintes
et de photographies au seul motif "qu'en Seine-Saint-Denis, c'est
comme ça", et menacent les récalcitrants de les y obliger
de force. Le directeur général de la police nationale, précise,
le 29 octobre, que "la qualité de journaliste de madame Lopez
était, semble-t-il, restée ignorée du commissaire
de permanence". "
"- En juillet, une information judiciaire est ouverte, suite à
la plainte d'Armelle Thoraval, journaliste au quotidien Libération,
contre un détective privé qui aurait pénétré
au domicile de la journaliste, enquêté sur sa vie privée
et volé des relevés de compte bancaire lui appartenant.
Armelle Thoraval enquêtait sur les malversations financières
au sein de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF)."
"- Le 6 septembre, David Bowden, journaliste de la chaîne de
télévision britannique Sky News, et Adam Cottam, cameraman
de la chaîne, sont arrêtés par la police française
alors qu'ils suivent et filment à l'infrarouge le parcours nocturne
d'immigrants clandestins tentant de rallier la côte britannique
par le tunnel sous la Manche. Les reporters sont relâchés
après environ deux heures d'interrogatoire."
- voici un exemple de quotidien censuré publié dans l’INTERNATIONAL
:
"21 Octobre 96
– INTERNATIONAL
Algérie
Le journal 'Liberté' censuré en France
IL y a des commémorations qui semblent déranger et qu'on
voudrait oublier. Celle qui commémore l'anniversaire du 17 octobre
1961 en est une. Ce jour-là, sur ordre du préfet Maurice
Papon, la police française a durement réprimé la
manifestation des Algériens à Paris en faveur de la paix
et de l'indépendance en Algérie. Officiellement le bilan
a été établi à 3 morts et 64 blessés.
D'autres sources indiquent qu'il a été beaucoup plus lourd
: 200 morts, dit-on, dont plusieurs retrouvés noyés dans
la Seine et dans le canal Saint-Martin.
Est-ce pour avoir relaté ces faits, que le journal algérien
'Liberté' daté du 17 octobre n'a pas été distribué
en France? Onze colis contenant des exemplaires du quotidien, en provenance
d'Alger, ont été saisis jeudi par la police des frontières
à leur arrivée à l'aéroport de Lyon. Est-ce
pour avoir titré 'Quand la Seine roulait des cadavres', suivi d'un
chapeau où on lit: 'La répression était ordonnée
par celui qui avait organisé des déportations de Juifs pour
le compte des nazis'? Est-ce pour avoir écrit: 'Etait-ce seulement
parce que la police parisienne, en ce temps-là, était commandée
par un Papon aux états de service encore imprégnés
de la pensée de ses anciens maîtres nazis ?' Ou alors, est-ce
pour avoir associé le nom de Roger Frey, ministre de l'Intérieur
de l' époque et ancien Compagnon de la Libération, à
celui de Maurice Papon, dans la répression qui a frappé
les Algériens ce 17 octobre 1961? Une chose est sûre, sur
les événements du 17 octobre 1961, pèse un tabou
qu' il faudra bien lever un jour.
Selon l'AFP, la Direction des libertés publiques et de l'action
juridique (DLPAJ) du ministère de l'Intérieur, décidera
après examen de l'article mettant en cause Maurice Papon, de la
remise dans le circuit de la distribution du journal 'Liberté'
ou de son refoulement à la frontière.
Reporters sans frontières a aussitôt réagi en dénonçant
'des mesures' qu'elle a qualifiées de 'censure de la presse' qui
'relèvent d' un autre âge'. Pour protester, elle a annoncé
que l'article en question pourra être consulté sur son site
Internet.
C'est la première fois en France qu'un quotidien privé algérien
est saisi par les autorités françaises."
Interview
réalisé par Phosphore
La presse française
est-elle libre? Subit-elle des pressions des pouvoirs politiques et financiers?
Louis-Marie Horeau, journaliste depuis quinze ans au Canard Enchaîné,
"hebdomadaire satirique paraissant le mercredi", répond
aux questions de Phosphore.
" En France, à quels types de pressions les journaux sont-ils
soumis aujourd'hui?
Je crois que dans la presse, comme ailleurs, l’argent est le nerf
de la guerre. Quand il y a pression politique sur un journal, ça
passe toujours par l’argent. Sauf quand le journal est dans la sphère
d’influence d’un parti politique. Le quotidien L’Humanité,
par exemple, est soumis à la pression du Parti communiste français.
Mais cela fait partie du jeu normal de la politique. Quand on parle de
pression, en tant que telle, ça passe toujours par l’argent.
Comment se manifestent ces pressions dans un journal comme Le canard Enchaîné,
où vous travaillez ?
Le canard enchaîné est un journal qui occupe une place particulière
dans la presse française. D’abord parce qu’il n’y
a aucunes publicités dans ses pages et ensuite parce que le journal
appartient entièrement aux salariés. Cela veut dire qu’il
est impossible de faire pression sur le «Canard ». Dans un
journal qui vit de la publicité, c’est en revanche plus simple.
Prenez l’exemple de L’événement du jeudi. Lorsqu’il
a publié des articles désagréables sur Peugeot, la
direction du groupe automobile a retiré son budget de publicité
du journal. Ce genre de pratiques peut mettre en péril l’équilibre
financière d’un journal.
Comment résiste-t-on à ces pressions ?
Je ne suis pas cynique en disant cela, mais la seule façon pour
un journal d’être libre est de gagner de l’argent. Il
lui faut avoir la confiance de ses lecteurs et en même temps une
gestion saine.
On en revient toujours à l’argent…
Oui. Pour qu’un journal soit sensible aux pressions, il faut qu’il
soit vulnérable. Il y a une autre manière d’être
dépendant. Aujourd’hui, des groupes industriels n’ayant
rien à voir avec la presse, rachètent des journaux. Alcatel
contrôle Le Point et L’Express, ce qui n’est pas rien.
Bouygues, entreprise de bâtiments et de travaux publics, contrôle
TF1. Ces gens là ont des intérêts énormes à
défendre et, forcément, ils sont tentés, à
un moment ou à un autre, d’utiliser leurs moyens de communications
dans ce but. Voici un exemple concret, lorsque le patron du groupe Alcatel
a eu quelques ennuis avec la justice, L’Express et Le point ont
traité cette information avec une extrême réserve.
Existe-il des limites à la liberté de la presse ?
Oui. Une fois que les conditions de la liberté sont réunies,
cela ne veut pas dire qu’on peut faire n’importe quoi. La
loi de 1881 réglemente cette liberté et interdit la diffamation.
La première limite est donc le sérieux de l’enquête,
des faits et des preuves. La deuxième limite est la protection
de la vie privée. Enfin la troisième limite, dont on ne
parle pas assez, c’est la limite technique du métier de journaliste.
Il y a parfois des affaires commerciales sur lesquelles on n’arrive
pas à avoir la plus petite information publiable."
A qui profite
le silence?
Si vous parlez de
la liberté de la presse, commencez par vous posez cette question.
Les gangs criminels, les dictateurs, les fanatiques détestent les
journalistes car ils les dérangent. Mais les États démocratiques
qui normalement admettent la liberté d’expression sont-ils
lavés de tout soupçon ? Olivier Duhamel, juriste, nous éclaire
sur ce sujet.
" Pourquoi des groupes armés, des Etats, des mafias s’en
prennent-ils aux journaux et aux journalistes un peu partout dans le monde
? En quoi les menacent-ils ?
Un Etat dictatorial se reconnaît d’abord au fait qu’il
musèle la presse. Par ce que la presse montre ce qui se passe alors
que les dictateurs veulent cacher ce qui ne leur convient pas. La presse
exprime l’opinion des gens, alors que les dictateurs préfèrent
le silence. La presse critique, alors que les dictateurs veulent des applaudissements.
Mais il n’y a pas que les Etats qui détestent la presse libre.
Les criminels organisés exècrent les journalistes trop curieux.
Parce qu’ils veulent tricher, voler, extorquer de l’argent,
trafiquer sans qu’on le sache. Ils tuent. Les fanatiques de tout
genre éprouvent cette haine. Regardez les islamistes les plus intégristes
en Algérie. Ils veulent imposer leur loi. Ils cherchent à
terroriser ceux qui ne se soumettent pas, ils suppriment les esprits libres,
les universitaires indépendants, les journalistes impertinents.
Dans l’histoire d’un pays comme la France, a-t-il été
facile d’obtenir la liberté de la presse ?
Il a fallut d’abord la Révolution française contre
l’absolutisme pour imposer la consécration de la liberté
de la presse. Puis il a fallut la révolution de 1830, après
le despotisme napoléonien suivi des restrictions de la Restauration.
Il a fallut la révolution de 1848 et l’avènement de
la courte IIe République avec la multiplication des publications.
Il a fallu la IIIe République, après la chute du Second
Empire, et la grande loi sur la liberté de la presse en 1881. Après
ces progrès, ces combats toujours recommencés, nous avons
encore connu des régressions au XXe. Sous l’occupation nazie
et le régime de Vichy, la France a connu la dictature. Et la Libération
a vu renaître une presse libre.
En France, la liberté de la presse est-elle toujours menacée
et par qui ? Comment peut-on la défendre ?
La liberté de la presse est assez bien respectée, par rapport
à beaucoup d’autres pays du monde. Elle est pourtant toujours
menacée, de plusieurs côtés. Par les lecteurs, d’abord.
Les journaux ont besoin d’être lus. Elle est menacée
aussi par annonceurs qui paient les publicités : ceux qui suppriment
la publicité parce qu’un journal a publié un article
qui ne leur plaît pas, adoptent une curieuse conception de la liberté…La
liberté de la presse est menacée enfin par les propriétaires
de journaux qui interviennent parfois trop sur le contenu du journal.
En France, nous avons fait des progrès, mais il reste beaucoup
à accomplir. Il faut compter sur les lois, les institutions de
contrôle, la vigilance de la presse écrite et des citoyens."
Suite : Conclusion
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