La censure dans la presse écrite Pour le dessin, la censure est universellement reconnue sous les traits de Madame Anastasie : elle est équipée d'une immense paire de ciseaux castrateurs.
 

De 1801 à 1875
De 1870
à nos jours

Cinquième République


Le danger qui nous guette dans ce 21ème siècle est que des sujets deviennent tabous à force de censure et d’autocensure par peur de représailles politiques, sociales et juridiques. Dans ce cas, la société accepte cette censure non pas par conviction mais plutôt par lâcheté matérialiste au nom d’un soit disant bien être illusoire. La censure a toujours existé, même si la censure contemporaine se réclame d’autres justifications, parce que toutes les sociétés, quelles que soient leur forme, sont basées sur des "idéaux" et rejettent tout ce qu’elles pensent être gênant pour leur existence.

De Gaulle, premier président de la Ve république :

En décembre 1958, le général de Gaulle est élu président de la Vème république. Il interdit l’exposition "en quelque lieu que ce soit" et la publicité "sous quelque forme que ce soit" des écrits présentant un danger pour la jeunesse en raison, par exemple, de leur caractère pornographique. Il prévoit la saisie par les officiers de police judiciaire des écrits incriminés "avant toute poursuite". Dans son ouvrage intitulé Nouveaux visages de la censure, l’écrivain français Jean-Jacques Pauvert désignera cette censure comme "l’arme la plus perfectionnée jamais fabriquée dans le genre". Jamais pareille atteinte à la liberté de penser et d’écrire n’a été réalisé avec plus d’impudeur. Il n’était certes pas interdit de vendre ces écrits mais ces derniers n’avaient, en quelque sorte plus aucune existence publique. Aussi, cette loi accordait elle des pouvoirs de censeurs au ministre de l’intérieur. La commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence avait qualité pour signaler les publications qui lui paraissaient justifier ces interdictions. Et ces publications étaient désignées par arrêtés, publiés au Journal officiel.

La censure en France aujourd'hui :

La législation sur la presse et la communication, avec pour modèle la loi de 1881 (voir Annexe), s’est trouvée complétée par divers articles de loi sanctionnant :
- la diffamation raciale ;
- la provocation "
à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée";
- l'apologie des crimes de guerres ;
- la négation des crimes contre l'humanité.
D'autre part, en France, de nouveaux motifs de censure apparaissent tel que "l'incitation" au suicide et à la consommation de drogues.

L'autocensure :

La crainte d'un procès ruineux peut jouer le rôle d'incitation à l'autocensure. A moins, au contraire, que la perspective d'un bon procès bien médiatisé, qui pourra être gagné grâce à de bons avocats, puisse aider la promotion. Tout dépend de la solidité financière du journaliste, et de la façon dont il peut envisager de retourner l'opinion publique contre le censeur.

Reporters sans frontières :

Il s'agit d' une association, fondée en 1985 par Robert Ménard, qui défend les journalistes emprisonnés et la liberté de la presse dans le monde, c'est à dire le droit d'informer et d'être informé, conformément à la déclaration universelle des droits de l'homme.
Reporters sans frontières, est une association reconnue d'utilité publique. Alors que plus d'un tiers de la population mondiale vit dans un pays où il n'existe aucune liberté de la presse, Reporters sans frontières oeuvre au quotidien pour que l'information reprenne ses droits. Parce qu'emprisonner ou tuer un journaliste, c'est éliminer un témoin essentiel et menacer le droit de chacun à l'information, Reporters sans frontières mène son combat depuis plus de 17 ans. L’association dénonce les violations de la liberté de la presse dans le monde en informant les médias et l'opinion publique par des communiqués de presse et des campagnes de sensibilisation. Elle défend également les journalistes, collaborateurs et professionnels des médias emprisonnés ou persécutés pour leur activité professionnelle. Elle dénonce les mauvais traitements et la torture qui sont encore des pratiques courantes dans de nombreux État. Reporters sans frontières lutte pour faire reculer la censure et combat les lois visant à restreindre la liberté de la presse. L'association agit également pour améliorer la sécurité des journalistes, notamment dans les zones de conflit. Elle s'engage à soutenir financièrement et matériellement les rédactions mises en difficulté. Enfin, Reporters sans frontières s'est dotée, en janvier 2002, d'un bras judiciaire en créant le réseau Damoclès.
Quelques exemples de censure en France d’après le rapport de RSF :
"- Le 24 juin 2001, Véronique Lopez, journaliste à Politis, est interpellée par les forces de police au Salon international de l'aérotique et de l'espace du Bourget (Seine-Saint-Denis), alors qu'elle couvre une manifestation du collectif "vente d'armes, basta!". Elle est placée pendant quatre heures en garde à vue au même titre que les dix manifestants interpellés au même moment. Les policiers procèdent à une prise d'empreintes et de photographies au seul motif "qu'en Seine-Saint-Denis, c'est comme ça", et menacent les récalcitrants de les y obliger de force. Le directeur général de la police nationale, précise, le 29 octobre, que "la qualité de journaliste de madame Lopez était, semble-t-il, restée ignorée du commissaire de permanence". "
"- En juillet, une information judiciaire est ouverte, suite à la plainte d'Armelle Thoraval, journaliste au quotidien Libération, contre un détective privé qui aurait pénétré au domicile de la journaliste, enquêté sur sa vie privée et volé des relevés de compte bancaire lui appartenant. Armelle Thoraval enquêtait sur les malversations financières au sein de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF)."
"- Le 6 septembre, David Bowden, journaliste de la chaîne de télévision britannique Sky News, et Adam Cottam, cameraman de la chaîne, sont arrêtés par la police française alors qu'ils suivent et filment à l'infrarouge le parcours nocturne d'immigrants clandestins tentant de rallier la côte britannique par le tunnel sous la Manche. Les reporters sont relâchés après environ deux heures d'interrogatoire."
- voici un exemple de quotidien censuré publié dans l’INTERNATIONAL :

"21 Octobre 96 – INTERNATIONAL
Algérie
Le journal 'Liberté' censuré en France
IL y a des commémorations qui semblent déranger et qu'on voudrait oublier. Celle qui commémore l'anniversaire du 17 octobre 1961 en est une. Ce jour-là, sur ordre du préfet Maurice Papon, la police française a durement réprimé la manifestation des Algériens à Paris en faveur de la paix et de l'indépendance en Algérie. Officiellement le bilan a été établi à 3 morts et 64 blessés. D'autres sources indiquent qu'il a été beaucoup plus lourd : 200 morts, dit-on, dont plusieurs retrouvés noyés dans la Seine et dans le canal Saint-Martin.
Est-ce pour avoir relaté ces faits, que le journal algérien 'Liberté' daté du 17 octobre n'a pas été distribué en France? Onze colis contenant des exemplaires du quotidien, en provenance d'Alger, ont été saisis jeudi par la police des frontières à leur arrivée à l'aéroport de Lyon. Est-ce pour avoir titré 'Quand la Seine roulait des cadavres', suivi d'un chapeau où on lit: 'La répression était ordonnée par celui qui avait organisé des déportations de Juifs pour le compte des nazis'? Est-ce pour avoir écrit: 'Etait-ce seulement parce que la police parisienne, en ce temps-là, était commandée par un Papon aux états de service encore imprégnés de la pensée de ses anciens maîtres nazis ?' Ou alors, est-ce pour avoir associé le nom de Roger Frey, ministre de l'Intérieur de l' époque et ancien Compagnon de la Libération, à celui de Maurice Papon, dans la répression qui a frappé les Algériens ce 17 octobre 1961? Une chose est sûre, sur les événements du 17 octobre 1961, pèse un tabou qu' il faudra bien lever un jour.
Selon l'AFP, la Direction des libertés publiques et de l'action juridique (DLPAJ) du ministère de l'Intérieur, décidera après examen de l'article mettant en cause Maurice Papon, de la remise dans le circuit de la distribution du journal 'Liberté' ou de son refoulement à la frontière.
Reporters sans frontières a aussitôt réagi en dénonçant 'des mesures' qu'elle a qualifiées de 'censure de la presse' qui 'relèvent d' un autre âge'. Pour protester, elle a annoncé que l'article en question pourra être consulté sur son site Internet.
C'est la première fois en France qu'un quotidien privé algérien est saisi par les autorités françaises."

Interview réalisé par Phosphore

La presse française est-elle libre? Subit-elle des pressions des pouvoirs politiques et financiers? Louis-Marie Horeau, journaliste depuis quinze ans au Canard Enchaîné, "hebdomadaire satirique paraissant le mercredi", répond aux questions de Phosphore.
" En France, à quels types de pressions les journaux sont-ils soumis aujourd'hui?
Je crois que dans la presse, comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre. Quand il y a pression politique sur un journal, ça passe toujours par l’argent. Sauf quand le journal est dans la sphère d’influence d’un parti politique. Le quotidien L’Humanité, par exemple, est soumis à la pression du Parti communiste français. Mais cela fait partie du jeu normal de la politique. Quand on parle de pression, en tant que telle, ça passe toujours par l’argent.
Comment se manifestent ces pressions dans un journal comme Le canard Enchaîné, où vous travaillez ?
Le canard enchaîné est un journal qui occupe une place particulière dans la presse française. D’abord parce qu’il n’y a aucunes publicités dans ses pages et ensuite parce que le journal appartient entièrement aux salariés. Cela veut dire qu’il est impossible de faire pression sur le «Canard ». Dans un journal qui vit de la publicité, c’est en revanche plus simple. Prenez l’exemple de L’événement du jeudi. Lorsqu’il a publié des articles désagréables sur Peugeot, la direction du groupe automobile a retiré son budget de publicité du journal. Ce genre de pratiques peut mettre en péril l’équilibre financière d’un journal.
Comment résiste-t-on à ces pressions ?
Je ne suis pas cynique en disant cela, mais la seule façon pour un journal d’être libre est de gagner de l’argent. Il lui faut avoir la confiance de ses lecteurs et en même temps une gestion saine.
On en revient toujours à l’argent…
Oui. Pour qu’un journal soit sensible aux pressions, il faut qu’il soit vulnérable. Il y a une autre manière d’être dépendant. Aujourd’hui, des groupes industriels n’ayant rien à voir avec la presse, rachètent des journaux. Alcatel contrôle Le Point et L’Express, ce qui n’est pas rien. Bouygues, entreprise de bâtiments et de travaux publics, contrôle TF1. Ces gens là ont des intérêts énormes à défendre et, forcément, ils sont tentés, à un moment ou à un autre, d’utiliser leurs moyens de communications dans ce but. Voici un exemple concret, lorsque le patron du groupe Alcatel a eu quelques ennuis avec la justice, L’Express et Le point ont traité cette information avec une extrême réserve.
Existe-il des limites à la liberté de la presse ?
Oui. Une fois que les conditions de la liberté sont réunies, cela ne veut pas dire qu’on peut faire n’importe quoi. La loi de 1881 réglemente cette liberté et interdit la diffamation. La première limite est donc le sérieux de l’enquête, des faits et des preuves. La deuxième limite est la protection de la vie privée. Enfin la troisième limite, dont on ne parle pas assez, c’est la limite technique du métier de journaliste. Il y a parfois des affaires commerciales sur lesquelles on n’arrive pas à avoir la plus petite information publiable."

A qui profite le silence?

Si vous parlez de la liberté de la presse, commencez par vous posez cette question. Les gangs criminels, les dictateurs, les fanatiques détestent les journalistes car ils les dérangent. Mais les États démocratiques qui normalement admettent la liberté d’expression sont-ils lavés de tout soupçon ? Olivier Duhamel, juriste, nous éclaire sur ce sujet.
" Pourquoi des groupes armés, des Etats, des mafias s’en prennent-ils aux journaux et aux journalistes un peu partout dans le monde ? En quoi les menacent-ils ?
Un Etat dictatorial se reconnaît d’abord au fait qu’il musèle la presse. Par ce que la presse montre ce qui se passe alors que les dictateurs veulent cacher ce qui ne leur convient pas. La presse exprime l’opinion des gens, alors que les dictateurs préfèrent le silence. La presse critique, alors que les dictateurs veulent des applaudissements. Mais il n’y a pas que les Etats qui détestent la presse libre. Les criminels organisés exècrent les journalistes trop curieux. Parce qu’ils veulent tricher, voler, extorquer de l’argent, trafiquer sans qu’on le sache. Ils tuent. Les fanatiques de tout genre éprouvent cette haine. Regardez les islamistes les plus intégristes en Algérie. Ils veulent imposer leur loi. Ils cherchent à terroriser ceux qui ne se soumettent pas, ils suppriment les esprits libres, les universitaires indépendants, les journalistes impertinents.
Dans l’histoire d’un pays comme la France, a-t-il été facile d’obtenir la liberté de la presse ?
Il a fallut d’abord la Révolution française contre l’absolutisme pour imposer la consécration de la liberté de la presse. Puis il a fallut la révolution de 1830, après le despotisme napoléonien suivi des restrictions de la Restauration. Il a fallut la révolution de 1848 et l’avènement de la courte IIe République avec la multiplication des publications. Il a fallu la IIIe République, après la chute du Second Empire, et la grande loi sur la liberté de la presse en 1881. Après ces progrès, ces combats toujours recommencés, nous avons encore connu des régressions au XXe. Sous l’occupation nazie et le régime de Vichy, la France a connu la dictature. Et la Libération a vu renaître une presse libre.
En France, la liberté de la presse est-elle toujours menacée et par qui ? Comment peut-on la défendre ?
La liberté de la presse est assez bien respectée, par rapport à beaucoup d’autres pays du monde. Elle est pourtant toujours menacée, de plusieurs côtés. Par les lecteurs, d’abord. Les journaux ont besoin d’être lus. Elle est menacée aussi par annonceurs qui paient les publicités : ceux qui suppriment la publicité parce qu’un journal a publié un article qui ne leur plaît pas, adoptent une curieuse conception de la liberté…La liberté de la presse est menacée enfin par les propriétaires de journaux qui interviennent parfois trop sur le contenu du journal.
En France, nous avons fait des progrès, mais il reste beaucoup à accomplir. Il faut compter sur les lois, les institutions de contrôle, la vigilance de la presse écrite et des citoyens."

Suite : Conclusion